Recommences. Lui ordonna une voix rude et aiguë. À l'entente de cette voix mais surtout de cet ordre, l'enfant d'à peine sept années eut voulu écraser cette plume qu'elle tenait entre ses mains, de la broyer comme si il s'agissait d'une arme à exterminer. Pourtant Raven n'en fit rien, elle prit une profonde respiration et recommença. Cela dura toute la journée, on pouvait même dire que cela dura pendant de nombreuses semaines, voire plusieurs mois.
Cette voix rauque et aigre appartenait à sa génitrice, à celle que l'enfant a appelé durant des années :
mère.
Pourtant, malgré ce que cette femme ferait subir à l'enfant, Raven n'aurait jamais pu la haïr, jamais, elle a toujours eu cette
admiration envers cette femme et ses exploits qu'elle ne pouvait en aucun cas lui en vouloir et comprenait ce que cette femme lui enseignait, c'est-à-dire
la perfection à l'état pur. Cet exercice d'écriture lui apprenait que son écriture avait un sens, que rien n'était anodin dans ce monde, absolument rien et qu'elle ne pouvait se permettre de faire un faux pas. Beaucoup de choses auraient pu se passer différemment mais Raven restait fidèle à elle-même et ne regrettait rien dans sa vie, sa "
mère" lui a appris une chose essentielle : toujours garder son sang froid et la tête haute quoi qu'il advienne.
Pourtant, et avant toute chose, il est nécessaire de connaître en profondeur toute l'histoire de Raven et ce depuis son commencement afin de comprendre le point de vue de cette femme et la raison d'une éducation si stricte envers cette enfant aux cheveux noir ébène.
Le 6 février 2092, le tonnerre grondait et le vent frappait sur les vitres d'un palais d'hiver au nord de Dollona, sur Eraklyon. Ceci annonçait la couleur de l'évènement, étrangement. Tout semblait annoncer ce qu'il allait advenir. Une femme hurlait dans ce château
presque vide, uniquement alimenté par les pas stressés de Cora ainsi que les femmes payées pour aider cette femme à accoucher dans le plus grand des secrets. Cora, mère à cheval sur les convenances, refusait que sa fille perde un bon mariage, elle méritait mieux que d'élever des enfants sans l'appui d'un mari convenable.
Chevelure rousse flamboyante,
traits fins et une allure stricte, Cora ne pouvait être confondu avec personne d'autre, elle était unique en son genre. Née au sien d'une famille noble, elle a fait un mariage de convenance avec un autre enfant de noble. Éduquée dans cette optique, elle mit les points sur les i et refusa que sa fille garde ses enfants, des jumelles ayant hérité aux cheveux noir ébène de leur mère qui avait elle-même hérité cela de son père.
Et pourtant, malgré son envie de se débarrasser de ces enfants illégitime, quelques temps après que Raven ait été déposé dans un orphelinat, Cora ressentit un sentiment proche de la
culpabilité même si elle ne l'avouerait jamais. Alors elle se rendit dans le seul endroit où elle pourrait retrouver un jeune nourrisson laissé de côté :
un orphelinat.
Le vent faisait virevolter les cheveux de la jeune Raven. Encore jeune à ce moment-là, lorsqu'elle montait à cheval lorsqu'elle le souhaitait. Lorsqu'elle se sentait oppressée ou bien lorsqu'elle avait envie juste d'être seule. Même si cela semblait étonnant, elle, la fille sociable par excellence, ne souhaitait parfois qu'une chose :
rester seule quelques instants.
Cela faisait plusieurs années que Raven s'était mise à l'équitation. Cela avait été une demande de sa génitrice, celle qu'elle appelait mère alors qu'elle aurait dû l'appeler autrement sans qu'elle ne le sache. Cora avait encouragé la jeune fille aux cheveux noirs à se combler l'esprit à l'aide d'une activité et parmi les nombreuses activités essayées une seule resta une passion pour l'enfant :
tout ce qui touchait au domaine équestre. Il s'agissait de sa passion, de sa flamme, ce qui lui donnait l'impression de devenir libre, d'avoir une véritable vie loin de tout ce que Cora pouvait lui imposer. C'était une des petites choses prouvant que la vie avait une part de lumière et ne se résumait pas à une longue liste de chose à savoir maîtriser à la perfection.
Si, par la suite, Raven commença à monter de moins en moins à cheval pour des raisons de manque de temps, elle garderait toujours une passion pour les paris sur les courses de chevaux ou irait dans des endroits spécifiques touchant au domaine équestre, lui permettant au moins d'apercevoir des équidés.
Les notes glissaient contre ces cordes sur lesquelles passait l’archet. Le violon, un instrument dont les rudiments avaient pris moins de temps à être maîtrisée par Raven que le piano. Il ne s’agissait pas de l’art qu’elle préférait mais Cora avait été persuadée que c’était ce qu’il fallait à Raven pour la canaliser, pour la perfectionner. La jeune fille de quinze ans avait eu le choix entre la musique ou la danse. Son choix a été vite fait suite à son manque de talent envers la seconde discipline. Elle était une catastrophe avec ses pieds, malgré l’envie de sa génitrice pour qu’elle réussisse là-dedans, persuadée qu’une femme qui maîtrisait la danse maîtrisait alors les hommes et le monde. Les rares fois où ce ne fut pas catastrophiques furent les pas de danse lors des grandes réceptions, lors de brefs instants bien évidemment.
Sur le plan artistique, Raven n’est cependant pas restée uniquement sur le violon. Elle savait qu’elle arrêterait une fois que Cora ne serait plus derrière son dos et sa fibre artistique avait besoin de s’exprimer et celle-ci se dirigea en direction du dessin. Il ne s’agissait pas seulement d’une seconde passion mais également de son destin. Sa magie développée autour du dessin et de l’art cela lui était donc destinée, ou du moins c’est ce qu’elle a toujours pensé depuis qu’elle avait quinze ans. Ce fut lors de l’une de ses crises artistiques comme elle aimait les appeler que la jeune fille aux cheveux noir rencontra l’être le plus abominable qu’elle ait pu rencontrer dans sa vie :
Aslan. Fils d’une grande famille, il avait toujours été ce genre d’homme arrogant qui pensait que tout lui était dû. Une chose qui avait toujours fortement agacé la jeune fille, ne lui souhaitant que misère et de chuter afin qu’il comprenne réellement le sens de la vie, lui à la vie si parfaite. Une vie qu’elle ne lui enviait point, vivant la même à certains égards. Et, étrangement, Cora avait cette même envie qu’ils ne se côtoient point tous les deux, pour une raison étrangère à la jeune fille.
À chaque fois, il venait en sa direction uniquement lors de ses crises artistiques, à chaque fois. Afin de juger ses oeuvres, de lui dire chacun des défauts qu’il pouvait trouver. Ceci était devenu un jeu pour lui alors Raven avait décidé de jouer également en lui rappelant tous les défauts qu’elle pouvait trouver sur lui ou sa vie. Leur relation s’est vite retrouvée à
tourbillonner au sein d’une compétition sans aucune faille sur diverses points. Tout d’abord l’équitation puis est venu une compétition qui vint à plaire à Cora : le meilleur au sein de la société, poussant Raven à se pousser au sein de celle-ci sans que cela soit dû à la pression que sa génitrice aurait pu lui insuffler.
La vie connaît son lot de troubles. Il y eut l’entrée à Alféa pour Raven. L’université des fées était fait pour elle et Coda avait grandement accepté cette idée, préférant cela plutôt que de laisser celle qu’elle avait élevé gâcher son potentiel et ne pas prouver ce qu’elle valait aux yeux du monde. Néanmoins, en réalité, Cora n’était pas satisfaite de l’essence du pouvoir de Raven, ne le trouvant pas à la hauteur, dénigrant cette magie du dessin par moment. Cela arrangeait d’ailleurs la jeune fille de partir loin de chez elle, de ressentir un sentiment de liberté loin des murs de cette demeure qui l’écoeurait au fil des années qui passaient de plus en plus lentement étrangement. L’entrée au sein de l’école pour fée de Magix était
un signe de renouveau, d’une vie meilleure, de la meilleure vie que pourrait vivre la brune. La première année se déroula sans encombre, comme elle l’avait prouvé à Coda elle était capable de grandes prouesses même si elle a eu quelques faiblesses par moment, faiblesses que Cora a remarqué.
Néanmoins l’année la plus marquante fut
la seconde année. Compétitrice dans l’âme, il s’agissait avant toute chose d’essentiel pour elle. Sa participation au tournoi entre Alféa et Tour Nuage n’avait étonné personne dans son entourage, il s’agissait de l’évidence même.
Raven Rutherford se devait de participer à ce tournoi et si elle avait refusé, Cora se serait donné un malin plaisir à la pousser, voir même la forcer, à accepter cette opportunité. Malheureusement, Raven regretta son choix, ce choix qui devint une part de sa vie douloureuse. Ce fut lors de ce fameux tournoi qu’elle tomba sur elle-même, son sosie. Elles se ressemblaient comme deux gouttes d’eau.
Raven et Serafina, deux sosies. On aurait pu aisément les confondre si seulement elle n’avaient pas été dans deux écoles différentes. Serafina à Tour Nuage et Raven à Alféa.
Après ce tournoi, mais surtout après cette découverte, Raven est rentrée au plus vite chez elle et décida de parler à celle qu’elle avait toujours appelé mère afin d’avoir de plus amples explications si celle-ci en avait. Tout fut révélée en une seule soirée. Cora n’était pas sa mère mais sa grand-mère. Sa mère n’était autre que cette femme qui passait de temps en temps au sein de la demeure de Cora, Raven ayant passé quelques moment avec son fils, étant son frère en réalité. Une mère ne s’étant jamais présentée à elle comme telle, une grand-mère qui avait détruit et modelé sa petite-fille à sa convenance. Une chose qui resta en travers de la gorge de la jeune fille. Serafina considérait que Raven avait pu grandir auprès de sa mère au vue de ses nombreuses visites. Celle ayant été élevé par Cora ne voyait pas cela ainsi puisque sa propre mère ne s’était jamais présentée comme tel au contraire de sa jumelle, ne se posant qu'une seule question depuis :
pourquoi ?
Le sable coule au fond du sablier, les années passent les unes après les autres, laissant les traits de Raven s’affiner, devenir plus adultes. Beaucoup de choses se sont déroulées au fil des années qui ont passé. Tout d’abord sa scolarité. Entrée à Alféa à l’âge de
vingt ans, elle en sortit à
vingt-deux ans. S’arrêtant à la licence ne souhaitant pas obtenir un master et encore moins un doctorat, n’en voyant l’intérêt. À la place elle parcourut quelques différents royaumes, s’éloignant de Cora, se rapprochant néanmoins de sa magie. Celle-ci ne se basait pas sur les dessins comme l’avait cru Raven pendant un temps, avant son entrée à l’université d’Alféa. Son pouvoir se baisait en effet sur
l’aérokinésie, utilisant l’air pour se faciliter la vie, elle visualisait dans sa tête avant d’utiliser son énergie psychique et corporelle afin de soulever ou d’utiliser l’air à bon escient.
À l’obtention de sa licence, Raven a commencé doucement, n’allant uniquement dans des royaumes proche de celui dans lequel elle avait grandi, ne souhaitant pas trop s’éloigner de ce qu’elle pouvait connaître pour cette première expérience de vie indépendante,
sans airbag financier, sans aide particulière, se débrouillant d’elle-même. Vivant maigrement, dans des logements radicalement différents de celui dans lequel elle a toujours vécut avec Cora, sa génitrice, cette femme qui lui a toujours promis qu’elle obtiendrait une vie dorée si elle se pliait à ses exigences. Néanmoins au fur et à mesure des petits emplois minables quelle avait obtenu au sein du domaine de la mode, la jeune femme d’une vingtaine d’années avait réussit ce quelle avait souhaité accomplir :
se faire une place dans ce milieu.
Ce fut à la suite de cela qu'elle apprit. Sa relation avec Cora avait changé mais ce n'était ni en bien ni en mal. Il s'agissait toujours de la même relation. Pourtant quelque chose avait changé, la créatrice l'avait remarqué et cela n'avait rien à voir avec sa profession mais plutôt avec ce qu'elle n'allait point devenir. En effet Serafina avait amené avec elle
la compétition et elle était de loin la plus parfaite des deux, volant littéralement la place de Raven. Celle-ci ne s'était jamais sentie menacée jusqu'à ce que celle-ci vienne la voir, lui prenne sa place durement gagnée. En effet la brune avait travaillé si durement toute sa vie et tout cela fut vain. Tout ceci pour une question de bon mariage.
À l’âge de vingt-sept ans, Raven revient sur Magix et ouvre sa boutique de tenues sur-mesure pour femmes.
Robes, combinaisons, tenues affriolantes ou encore des tailleurs. Raven en a fait quelque chose à son image. Quelque chose de chic, à la portée des revenus modeste en premier lieu. Cela vint à plaire des classes plus aisées, à les intriguer pour la qualité et la beauté des habits. Au bout d'un an
le Silky Velvet avait attiré des personnalités non seulement plus fortunées mais également des personnalités qui pourrait ouvrir plus de porte à Raven. Peut-être avait-ce été la raison de ce contact ?
Raven connaissait l'identité de sa mère, elle le savait depuis plusieurs années à présent, âgée alors de
vingt-huit ans. Si cette femme avait pris son courage à deux mains pour aller discuter avec Serafina, elle n'avait apparemment pas jugé cela bon d'aller rendre visite à sa deuxième fille au moins par principe même si les deux femmes se sont côtoyées à diverses reprises, lui ayant menti dans les yeux durant toutes ces années, acquiescent face au comportement de Cora. Pourtant elle avait eu le culot de se présenter face à sa fille au bout de vingt-huit années de silence. Raven aurait voulu l'ignorer et lui en vouloir, ne plus rien à voir avec elle, ne plus la voir et la détester. Pourtant ce ne fut pas le cas ou tout du moins pas au plus haut point comme elle aurait pu le croire.
Relation tendue et complexe mère et fille continuèrent à rester éloigner au fil des années, Raven n'étant prête à avoir une famille auprès d'elle ne se concentrant que sur sa vie professionnelle et, accessoirement, sa vie amoureuse.
L'amour est une chose complexe à acquérir dans la vie, l'une des choses les plus voulues par beaucoup de monde. Pour certains il s'agit d'un but à atteindre et pour d'autre il s'agit juste de quelque chose qui est arrivé. Raven fait partie du second type d'individus. Elle ne cherchait pas forcément l'amour, se plongeant particulièrement dans son but professionnel, celui de créer sa propre marque entre autre.
Cela était advenu avant l'ouverture et la création du
Silky Velvet. Cette création qui l'avait toujours rendue fière, qui avait mis au sommet tout ce travail accompli et qui ne cessait de grandir au fil des années. Mais avant cette réussite Aslan est revenu dans la vie e la brune. Cet enfant si imbu de lui-même avait bien changé et était entré dans la vie active depuis un bon moment quand Raven l'a revu. Elle n'avait que
vingt-quatre ans et tous deux ont réussi à trouver en chacun ce qu'ils leur manquaient dans la vie : du réconfort et du soutien. Ils ont réussi à trouver une certaine amitié avant que cela ne devienne plus et qu'ils soient le couple parfait ou du moins parfait pour eux, pour ce qu'ils cherchaient. Aslan soutenait Raven dans son entreprise et Raven apportait de la stabilité dans sa vie.
Tous deux ont toujours connu une relation fondée quelque peu sur la compétition tout du moins et ils ont continué sur des petites choses ici et là comblant ce qu'ils cherchaient : du défi dans la stabilité. La maison haute couture créée par Raven est devenue emblématique avec le temps,
le logo délicat SV devenant une marque qui restait en tête. Une marque qui signait délicatesse et volupté chez les femmes comme les hommes. Aslan en était un peu responsable, la brune s'inspirant de beaucoup de choses mais surtout de lui concernant les collections masculines.
Cela fait
sept ans qu'Aslan et Raven sont ensemble et heureux. Leur relation a cependant évolué depuis deux mois maintenant, en effet si tous deux ont des points commun comme parier sur les courses de chevaux ou sur leur amour de l'art, aujourd'hui ils sont dorénavant fiancés. Le jeune homme a fait sa demande il y a deux mois, une demande propre à son image, la demande parfaite pour eux deux. Aucune date n'a encore été fixée, Aslan comprenant cela, comprenant que Raven ait besoin que cela soit moins complexe avec sa famille pour réaliser un mariage digne de ce nom.
Digne d'eux.